Daniel Keller : "Nous avons besoin de la Laïcité pour vivre ensemble" !
Daniel Keller, Grand-Maître du Grand Orient de France, vient de faire dans le numéro du 11 juillet de Marianne un billet sur ce thème.
A 5 semaines du convent de Reims (du 28 au 30 aout), le Grand-Maître choisit de mettre en exergue l'un des fondamentaux de la franc-maçonnerie libérale en général et du GODF en particulier.
Sur la base des décisions rendues par la Cour de Cassation dans l'affaire de la crèche Baby loup (abordée dans ce blog tant sur l'aspect juridique : ici, ici, que procédural : ici ou qu'en écho de commentaires : ici, ici, ici et là), Daniel Keller fait remarquer qu'il ne s'agit pas d'une "philippique antireligieuse". D'autant que la Cour Européenne des Droits de l'Homme, où la France fait parfois l'objet de condamnations, emboite le pas du CC.
Il ne parait pas anecdotique que le Grand-Maître insiste sur la Laïcité comme l'une des conditions du vivre ensemble au moment où elle fait précisément l'object d'une contestation radicale chez les Anti-Lumières (Manif pour Tous, Printemps Français, Journée Retrait de l'Ecole, Alain Soral, Farida Belghoul), ce que Juliette Grange nomme les "néo-conservateurs", d'une utilisation tronquée, parasitée, islamophobique chez l'extrême droite et la droite nationaliste (Front National, Résistance Française, Parti de la France, etc.) ou larvée chez les tenants de la "qualificatisation" comme Jean Baubérot.
En effet, l'histoire de la Laïcité enprunte la même voie que celle du Grand Orient de France dans l'affirmation de la Liberté Absolue de Conscience. La conquête de cette manière de vivre et de penser, à l'écart de TOUTE Véritée Révélée, quelle qu'elle soit, jalonne la vie de l'obédience.
Ce fut parfois au prix de sévères constats de désaccord avec les autres obédiences françaises (avec la GLDF en 1945, ou avec la GLNF et la GLDF en 1956-59). On trouvera ci dessous le lien vers le récit de cette période dans cet ouvrage : "De l'Union des Puissances Maçonniques (1956-1959)".
Pages 3 à 19
Pages 20 à 32.
Aujourd'hui, il ne paraît pas possible pour les francs-maçons libéraux de rester spectateurs du délitement de la Laïcité. Peut-on encore considérer qu'il ne faut pas évoquer cette question car elle est de nature à faire s'élever des divergences entre les maçons ? Que craindrait-on à travailler, justement, ces divergences, à les exprimer ? Ne pense-t-on pas que la discussion authentique, franche et respectueuse, permettrait de les résoudre... Car, même rugueuse, une parole qui échange vaut mieux qu'un silence dévastateur.
Notre pays s'est écarté de la culture de la délibération collective, de la construction d'une parole commune au profit d'une culture de l'opposition frontale, de l'érection des désaccords en statue d'horizons indépassables. Ce n'est pas cela l'héritage des Lumières. Et la franc-maçonnerie semble se glisser dans ce moule ! Peut-elle sans dommage s'y complaire ?
Enfin, à partir d'une lecture transversale de différentes affaires liée à la Laïcité, le Grand-Maître met l'accent sur les poids respectifs des pouvoirs judiciaire et législatif. Si ce dernier est constitutionnellement prépondérant en tant que représentation de la volonté populaire, il faut néanmoins qu'il ait le courage et la volonté d'assumer son rôle. C'est seulement dans ce cas que le législatif s'impose au judiciaire, que la loi dicte ses règles aux juges. Sinon, l'imprécision, volontaire ou non, du législateur laisse le champ libre aux interprétations conduisant éventuellement vers des décisions contradictoires entre niveaux de juridictions !
Revenir, à quelques semaines du Convent, sur les conditions dans lesquelles se pose la problématique du Vivre Ensemble est de bon augure.
Gérard Contremoulin
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