GLDF : vers une décision cruciale...
S'il est dans la culture de la GLDF d'être cycliquement en proie à l'envie d'être "reconnue" par d'autres que ses partenaires historiques que sont les obédiences libérales (au sens des Lumières), et si la conséquence devait en être la rupture, force est de constater que rien n'est fait à ce jour, ni dans un sens ni dans l'autre !
Et même si certains signes semblent annoncer que "la messe serait dite", le résultat d'un vote n'est acquis que lors du prononcé du résultat !
Que se passera-t-il cette fois-ci ?
Cette phrase de Johannis Corneloup, qui fut Grand Commandeur Ad Vitam du Suprème Conseil du REAA du Grand Orient de France, est tiré du compte rendu des travaux qu'il a mené au sein du comité pour la réunification de la franc-maçonnerie française (le "Comité d'Action Maçonnique"). Au lendemain de la Libération, ce Comité souhaitait tirer les leçons des combats livrés en commun pendant la Résistance en proposant la "fusion" de la GLDF et du GODF.
André Combes revient sur les conditions dans lesquelles ce projet a été élaboré et considère aujourd'hui qu'il est heureux qu'il n'ait pas abouti (Les trois siècles de la Franc-Maçonnerie Française, Dervy 2013, p. 207). Avis que partage également Jean Verdun, ancien Grand-Maître de la GLDF (Le Franc-Maçon récalcitrant).
En effet, quelques questions épineuses continuent de se poser aujourd'hui et se retrouvent au coeur de l'actuel débat de la GLDF.
La "pureté" des contenus.
Entre le refus d'une fusion et la décision de rompre toutes les relations qui existent aujourd'hui entre les membres de la GLDF et celles et ceux des obédiences "non régulières" au sens de la déclaration de Bâle, il y a plus qu'une nuance !
Et pourtant, la question de la pureté des contenus initiatiques, que l'on retrouve aussi avec la recherche de la fidélité aux "origines traditionnelles", sert de véhicule à ce mouvement oscillatoire à la GLDF. C'est une question purement (pour le coup) parfaitement interne à l'obédience. Et, sauf à y être invité, je n'ai pas vocation à en traiter.
Néanmoins, elle semble être chez certains le noeud qu'il faut trancher, la clause de rupture, le critère absolu dont la nature suffirait à elle seule à conduire à séparer ce qui ne l'est actuellement pas ! Ces frères, car ce sont quasi exclusivement des frères, estiment que leur manière de maçonner serait la plus pure, serait la "vraie" franc-maçonnerie. Ceux et celles qui ne la pratiquent pas n'auraient pas leur place à leurs cotés, voire ne seraient tout simplement pas francs-maçons ! Voudrait-on nous rejouer la querelle dans Ancients et des Moderns ?
Outre son énorme prétention, ce type d'assertion se situe aux antipodes du précepte transversal à la franc-maçonnerie selon lequel il faut "réunir ce qui est épars". Le mouvement engagé en juin 2012 avec la déclaration de Bâle aurait pour conséquence, s'il devait aller à son terme, de rompre ce qui existe aujourd'hui.
Et le convent de juin de la GLDF ne s'y est pas trompé en souhaitant le maintien des relations par plus de 80% !
Une ambiguïté entretenue qui se retourne contre son auteur.
Mais ce convent a également mandaté le Grand-Maître Marc Henry pour poursuivre la construction de la CMF. Situation quasi schyzophrénique où l'on parait souhaiter tout à la fois poursuivre et rompre les relations avec les dites obédiences !
Comment ne pas s'interroger sur les conditions qui ont conduit les députés à adopter, dans le même convent, deux décisions à ce point contradictoires ? Comment ne pas penser à une information insuffisamment donnée et insuffisamment partagée ?
On a livré ici et à plusieurs reprises, les éléments qui ont entretenu un "flou artistique" autour de la question de la rupture qui n'a jamais été réellement posée. Pensant probablement pouvoir la contourner, Marc Henry ne s'est pas aperçu qu'il se plaçait lui-même dans la "stratégie de la seringue", stratégie qui le conduirait progressivement mais inéluctablement là où il est aujourd'hui : être mis au pied du mur et sommé par une toute petite obédience, lui le Grand-Maître de la Grande Loge De France, de se ranger à cette exigence de rupture.
Et là, elle est posée au grand jour, en pleine lumière ! Le clair-obscur cède la place au plein-feu et il n'y aura probablement pas de rappel...
Les conditions du scrutin.
Car la forme dans laquelle doit s'exprimer le vote des députés est déterminante. S'agissant d'une modification des textes des règlements généraux, la majorité des 2/3 des voix est nécessaire !
A lire et à entendre, ici où là, les commentaires de frères de la GLDF, voire de la GL-AMF, la réunion d'une majorité de 66% sur de telles modifications semble bien improbable.
Quoiqu'il en soit, cette période laissera des traces tant à la GLDF, à la GL-AMF et à la GLIF (membres de la CMF) qu'auprès des 5 "continentales", notamment dans leurs rapports avec Londres.
Conséquences.
La GLNF va pouvoir, si elle ne s'y livre pas déjà, savourer les résultats de ses louables efforts pour remonter la pente et réussir le rétablissement de sa Reconnaissance londonnienne, un moment suspendue suite à la crise stifanienne.
Car il faut tout de même dire, avec Roger Dachez, que l'initiative de la déclaration de Bâle visait bel et bien à profiter de cette suspension pour mettre à terre une bonne fois pour toutes l'obédience de la rue Pizan et lui ravir la Reconnaissance de la GLUA au profit de la CMF !
Initiative hasardeuse s'il en est...
La GL-AMF qui soutient actuellement l'exigence de la GLRB à l'égard de la GLDF de lever toutes les ambiguités du discours de son Grand-Maître à propos des intervisites avec les "non réguliers", va devoir affronter sa solitude et les aléas d'une stratégie non maîtrisée...
Alain Juillet, Grand-Maître de la Grande Loge de l'Alliance Maçonnique Française et Président de la CMF
Homme d'expérience, Alain Juillet n'aura cependant pas réussi à contourner la vigilance d'Albion.
Serait-elle pour autant "perfide" comme le disait déjà Bossuet ? Cela irait sans dire s'il avait-il obtenu, lui, des assurances de la GLUA... Mais en a-t-il obtenu ?
De même avait-il obtenu des soutiens à la conférence des Grands Maîtres nord-américains ?
Bref, voilà beaucoup d'enjeux dans ce vote que vont émettre les députés des loges de la Grande Loge de France dans une quinzaine de jours... Ce qu'il y a de nouveau dans cette actualité, c'est qu'il ne sera plus possible de tourner autour du pot. Les frères réguliers (et reconnus) belges ont mis les pieds dans le plat.
Puissiez-vous, frères députés de la GLDF, faire le choix de la raison et prendre la mesure de l'originalité dont vous faites preuve à chacune de vos Tenues, de ce que vous représentez d'unique dans le Paysage Maçonnique Français.
Et s'il advenait que soit rejeté cette exigence de rupture, et qu'alors vous puissiez poursuivre les relations que vous entretenez aujourd'hui avec les frères et les soeurs de la franc-maçonnerie libérale, alors vous auriez vraiment oeuvré pour maintenir réuni ce que l'on veut vous faire éparpiller...
Gérard Contremoulin
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