Adieu très chère Soeur Anne !
Depuis plus de quarante ans, la voix, le sourire et l'intelligence d'Anne éclairaient nos rencontres. Depuis ce vendredi matin je sais que seul leur souvenir perpétueront sa présence...
Car Soeur Anne s'en est allée vers cette région du monde d'où l'on ne revient que par la pensée...
Le franc-maçon a beau s'être habitué à l'idée de la mort, lorsqu'elle se rappelle à lui par la disparition d'un être à ce point proche, impossible de réaliser... Inéluctablement ce regret affleure : quand même Anne, t'aurais pu attendre encore un peu.
Cassis Aout 2009
Car Anne, c'est qu'il en reste de la pierre à polir... Tu as ouvert des voies qu'il faudra conforter, développer, faire murir.
A Gemenos, ou à La Ciotat, à Cassis comme à Mantes La Jolie ou à Marseille, à Villeneuve St Georges ou à Aubagne... Il ne faut pas chercher bien longtemps pour retrouver ta trace, partout où tes pas t'ont conduit...
Mais auparavant, citoyenne engagée, socialiste conséquente, tu rejoins très tôt l'équipe de l'association "SOS Racisme", puis tu t'engages dans la bataille des municipales à la Mairie de Villeneuve Saint-Georges où tu es élue maire-adjoint en charge notamment du Logement, puis tu rejoins l'équipe dirigeante de l'une de ces spécificités purement socialiste que sont les courants de pensée. C'est là que nous nous rencontrerons...
Mémorables moments d'où la contradiction n'était pas absente et les diatribes polémiques, plutôt la règle. Faut dire que dans ce courant de gauche du PS, nous venions de deux sources différentes... Cela suffit à expliquer à l'époque que nous fourbissions des armes rhétoriques destinées à nous opposer lorsque nous étions entre nous et à faire cause commune dès que nous mettions le pied dehors. Cet exercice militant restera la marque profonde de nos engagements et de notre reconnaissance mutuelle. C'est là aussi, Anne que tu vas nous manquer !
Professionnellement, tu es professeur d'histoire. Et même si l'Education Nationale n'a pas toujours su tirer tout le parti qu'elle aurait pu de ton agrégation, elle avait quand même fait de toi la prof-de-code-de-la-route probablement la mieux payée !
Nous, cassidains estivants, avons pu bénéficié de ton hospitalité aussi fraternelle que légendaire. On se souviendra de cette " Académie du Revestel" que nous avions fondé et qui procédait davantage du surréalisme que de la pensée académique.
Ainsi de ce dictionnaire des fausses citations et des mots nouveaux ; de cette école de pensée que nous avions concoctée : le Mouvement FADA ; bref, de ces franches parties de rigolade que nous organisions, nous les "d'ici" avec les disciples de Nicolas, ton frère, les "d'à côté". Il nous fut même donné de tutoyer le sublime avec la représentation, forcément UNIQUE (dans tous les sens du terme) d'une pièce de théâtre composée par un dramaturge unijambiste (à la suite d'un stupide accident de jardinage) "Le gravier cassidain".
Point d'heures parfois, pour terminer nos palabres si ce n'est les moustiques (dont j'étais le malheureux chouchou) qui venaient siffler la fin de la partie...
Ah, la nuit cassidaine des 14 juillet !!!
Le feu d'artifice et les "adresses à Mme le Maire"...
Et toujours le rire d'Anne.
Et celles, beaucoup plus nombreuses, où les tonitruants "comme c'est dommage !" de Nicolas ponctuaient les tirs ratés, là où il eut été peut-être préférable de pointer. Car ton hospitalité, à partager avec Nico, c'était aussi les parties de pétanque, parfois jumelées avec le Rami lors de tournois mémorables, où venaient des joueurs émérites, quelques golfeurs méritants et toujours accompagnées de quelques bonnes bouteilles bien fraîches de "Clos Sainte-Madeleine"... le vin blanc cassidain de "bonne" renommée.
Même à 2 heures du matin, ... fait chaud ! Aout 2008
Tu n'auras pas entendu le verdict de la Justice belge contre la Scientologie. Tant mieux car il n'y a pas lieu de pavoiser ! Nous sommes tous persuadés, néanmoins, que tu réinscrirais à notre ordre du jour collectif la poursuite de la lutte contre la création ex nihilo cet organisme qui se prétend religion par Lafayette Ron Hubbard...
Car la lutte contre les dérives sectaires était l'une des cordes de ton arc. Ton détachement à la MIVILUDES, le service du Premier ministre en charge de cette politique publique, comme chargée de mission, te légitimait dans cette bataille.
Mois d'anniversaires, Aout et plus précisément la mi-aout était un moment de festivités où nous fêtions conjointement les anniversaires d'Anne et de Catherine, puis d'Anelore... Bonne excuse pour Anne de cuisiner et pour nous, de déguster. Car Anne était aussi experte en petits plats qu'elle mettait souvent dans les grands pour notre plus grand plaisir...
14 Aout 2006 ("Anniversaire")
Et puis le Revestel, ça pouvait aussi être de bonnes, voire de sévères engueulades... Tiens, souviens-toi de nos "désaccords" (doux euphémisme !) sur François Mitterrand... Lui qui disait qu'il croyait "aux forces de l'Esprit".
Eh bien, tu vois Anne, c'est tout ce qu'il nous reste maintenant pour continuer notre parcours avec toi...
Le Cap Canaille sous lequel tu habitais donne au Revestel un cachet tout à fait spécifique. C'est le paysage cassidain où tu avais choisis de vivre ta retraite, dans cette propriété de votre enfance, à Nicolas et à toi.
Maintenant, témoin de tant de moments historiques que tu te plaisais à égrener au fil de nos interrogations, Cap Canaille est orphelin...
Tu vois, Anne, même lui pense que t'aurais pu attendre encore un peu...
Le Cap Canaille, qu'elle aimait tant...
Gérard Contremoulin
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