I comme Indicible
Beaucoup est et sera dit encore à propos de Nice... Et pourtant, qu'aura-t-on dit ? Qu'aura-t-on exprimé qui prenne sa place pour vivre après cette atrocité, qui soit utile pour aider à la dépasser ?
Les propos officiels du pouvoir, les critiques plus ou moins contrôlées de ceux qui aspirent à l'exercer, les commentaires médiatiques se caractérisent par une grande vacuité. Et facteur aggravant, elle laisse l'opinion face à ses vieux démons et la rend disponible pour tous les populismes, pour toutes les fausses bonnes solutions, pour toutes les surenchères.
Dans cette situation où plane désormais des risques de désagrégation de l'unité nationale, la parole a une fonction essentielle. Celle de permettre à l'humain de dire pour assumer le temps (et notamment le présent), dire pour se libérer (des pressions psychologiques, affectives), dire pour ouvrir une voie vers l'avenir, pour dessiner une alternative à l'horreur (c'et-à-dire l'affronter).
Mais saura-t-il la comprendre ? Saura-t-il l'exprimer ? Saura-t-il aider à la surmonter ?
Dépasser les postures.
Nous devons nous préparer à un temps long...
Car ne nous y trompons pas, cette horreur va générer sont lot de conséquences psychologiques dont on ne peut pas encore aujourd'hui, mesurer ni l'ampleur ni la durée. Le temps de la compréhension n'est pas le temps politique et encore moins le temps des politiques ! Particulièrement quand chacun d'eux se prépare à croiser le fer pour l'élection présidentielle dans un jeu de postures où la recherche de la vérité risque de se vendre comme un produit low cost... et passera, en tous cas, bien après la surenchère des postures...
Deux vont s'affronter. L'une construite sur le principe de la limitation des libertés individuelles pour assurer la sécurité et l'autre construite sur le principe selon lequel la sécurité repose sur le respect des libertés individuelles, fondement de la démocratie. Le débat parlementaire sur la 3° prolongation de l'état d'urgence vient de nous en apporter le témoignage.
Néanmoins, essayer de comprendre, cerner les protagonistes, peser les conséquences de l'une et de l'autre, envisager la responsabilité humaine comme un rendez-vous avec la Dignité, est un exercice que chacune et chacun va être invité à accomplir.
N'est-ce pas une préoccupation humaniste à laquelle les francs-maçons, quels que soient leurs rites, quelles que soient leurs obédiences, sont invités ?
Une difficile dichotomie : franc-maçon et/ou citoyen ?
Devant l'horreur de Nice, qui apparait bien maintenant comme un acte préparé de longue date avec complicités et soutiens, mais en fait depuis Charlie-Hebdo, les francs-maçons sont placés devant leurs responsabilités de citoyen !
A moins d'être schyzophrène, ne devons-nous pas assumer l'unité de notre personnalité ? N'est-ce pas, d'ailleurs, le devoir des francs-maçons de la travailler ?
Mais certains revendiquent cette dichotomie . Ils érigent une séparation qu'ils voudraient étanche entre le franc-maçon et le citoyen. L'un coupé de la société et s'interdisant de s'y référer, l'autre immergé dans la société et disponible pour l'engagement citoyen. Cultivée dans le même individu, cette dichotomie permettrait chez l'homme franc-maçon de s'améliorer par la pratique des rituels pour, ensuite, s'engager dans la société et de travailler à son amélioration...
Alors, la question se pose légitimement : c'est quand "ensuite" ?
Car nous avons à dire et à faire...
Les francs-maçons n'ont pas été absents. Les principales obédiences se sont unies sur un communiqué commun. On s'accordera vite sur le fait qu'il vaut plus parce qu'il est commun que par son contenu... Et même si on peut reconnaître que c'est la loi du genre, on ne peut que souhaiter - fortement - que les obédiences reprennent l'habitude de réagir ensemble en veillant à en "approfondir" les contenus !
Même dans ces conditions, on observera l'absence de la GLNF...
La franc-maçonnerie, qui travaille à l'amélioration matérielle et morale, au prefectionnement intellectuel et social de l'Humanité, se trouve projetée de plein-pieds dans la nécessité de réfléchir pour comprendre la véritable nature de ces actes de terrorisme. D'autant qu'il est hautement probable qu'ils se multiplient.
Certains francs-maçons pourront-ils encore longtemps considérer que la franc-maçonnerie n'est pas concernée ? Combien de temps encore vont-ils pouvoir rester à l'écart de la vie sociale de notre pays et de ses drames ?
L'Histoire nous a pourtant montré que les adversaires de la démocratie et de la République, que les régimes autoritaires, commençaient tous par réduire les libertés individuelles puis, ne faisant aucune différence entre ses membres, interdisaient les obédiences maçonniques, voire persécutaient les frères et les soeurs.
Gérard Contremoulin
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