S comme Supporter...
La peste soit du sportif (professionnel) et de ses supporters !
Deviendrions nous "neuneus" ces soirs de matchs de football ?
Pourquoi ce sport qui rémunère ses joueurs professionnels au delà de toute raison, et qui perd ainsi beaucoup des vertus d'une activité sportive éducative, arrive-t-il à abêtir à ce point tout une jeunesse qui constitue la véritable relève de nos générations ?
D'autant que nous découvrions ce que le foot-ball représentait de capacité à l'action collective et à la solidarité pour les Islandais...
"On a gagné !"
Bon, alors, l'équipe France a gagné contre l'équipe d'Allemagne ce jeudi soir ! Le résultat inverse se serait traditionnellement traduit par le "ils ont perdu !"...
J'ai cru comprendre qu'elle avait ainsi relevé le gant d'une longue suite de défaites. C'est probablement, en soi, un sujet de contentement chez celles et ceux pour qui le sport est un substitut, peut-être aussi un espace où se cristallise une violence symbolique, un affrontement par équipes interposée...
OK ! Je peux comprendre le challenge...
Mais pourquoi faut-il que l'accomplissement d'un tel "exploit" soit suivi de cet ersatz de liesse populaire qui conduit chacun de ces acteurs à se comporter comme si tout lui était dù et l'autorisait à tous les débordements : cris, hurlements, concerts de klaxons, vitupérations plus ou moins (d'ailleurs plutôt plus que moins) alcoolisées ? Pourquoi devrions-nous subir ces débordements dans les lieux publics, rues, métros, restaurants, etc. ?
Les "fan-zones".
De ce point de vue, le concept de "fan-zone" est intéressant.
Il délimite un espace destiné à accueillir un public de supporters pour lui laisser accomplir toute la gamme des modalités d'expression de ce "supporting". Ce public est en quelque sorte chez lui, protégé d'ailleurs par un dispositif de police ad equat.
Il établit une frontière entre l'intérieur (un espace certes public au départ mais dédié temporairement à une activité déterminée) et l'extérieur (l'espace public classique). Le respect de cette différenciation permet à chacun, selon ses gouts et ses choix, de vacquer sereinement. Supporter ou non, fan de foot ou pas... Son non respect, c'est-à-dire les débordements cités ci-dessus, devient une atteinte à ce droit de vacquer sereinement.
Laisser faire, laisser aller ce genre de débordements nuit gravement au vivre ensemble...
Questions...
Cette fin de soirée de demi finale de l'Europa me (re) plonge dans mes réticences à l'égard du sport et particulièrement comme facteur d'insertion... Tout devrait pousser à le considérer comme la manifestation d'une certaine conception du développement humain, permettant de regrouper un ensemble de pédagogies émancipatrices...
Pourtant, l'histoire montre qu'il aura aussi servi à promouvoir le nationalisme et la fusion des individus dans un sentiment identitaire provoqué et contraire à leur développement personnel.
Cette question aura bornée mes rapports avec mes collègues sportifs au ministère... Elle m'aura conduit à beaucoup de nervosités, de crispations sur le rôle très complexe que joue le sport dans l'education à la citoyenneté et notamment sur sa nature, le culte de la beauté du corps, beauté d'ailleurs trés orientée...
On ne peut que s'interroger sur le sport comme préparation à l'exercice citoyen quand on découvre (non sans stupeur) le rôle joué par les ligues de gymnastique dans l'Allemagne des années 1930 et plus précisément à partir de 1934. Cette interrogation vaut pour tous les pays totalitaires !
Revenant d'une Tenue de mon Chapitre ce jeudi soir, et ayant réussi à attraper le dernier métro pour rentrer dans ma banlieue, j'ai été soumis à cette démonstration d'après match où se mêlaient, outre les effluves de bière, les décibels qui me furent présentés comme le droit quasiment impresciptible de celles et ceux qui "fêtaient la victoire"... Je n'avais plus, selon elles et eux, qu'à accepter, minoritaire que j'étais, la loi de la majorité ! Et puis, à mon âge, qu'avais-je à vouloir autre chose que de subir la loi de cette "majorité" ?
Un bref instant, j'ai "halluciné" comme ils disent... Mais, très vite, je suis revenu aux impératifs de notre engagement de francs-maçons.
Restaurer l'éducation à la citoyenneté.
Mon expérience professionnelle au ministère de la Jeunesse et des Sports m'amène à dire aujourd'hui, que rien ni personne ne peut laisser penser que le sport et l'Education Populaire seraient destinés à autre chose qu'à l'éducation à la citoyenneté. Cette citoyenneté au sens où tout être humain est considéré, a priori, comme l'égal de son semblable, comme devant se voir reconnu les mêmes droits et aussi les mêmes devoirs !
Alors, mes collègues sportifs, mes amis et pour certains, mes frères, revenons à nos fondamentaux. Ne laissons pas s'installer cette idée que la nature compétitive du sport, tout à fait légitime dans le déroulé d'une compétition, prenne le pas sur la nature de l'exercice sportif ! Ne confondond pas la cause avec l'effet !
Si la perspective de gagner est la motivation première du jeune qui se prépare à la performance, peut-être sera-t-il indispensable de lui rappeler qu'au delà de la performance, bonne ou moins bonne, reste la construction de soi... L'important n'étant pas nécessairement de gagner mais de tout mettre en oeuvre pour que cela soit possible et au passage d'engranger les bénéfices de l'effort !
Et peut-être avant tout de pointer les effets néfastes de l'action par procuration.
Dimanche arrive à grands pas et avec lui, la finale...
Ô temps, suspend ton vol et vous heures propices
suspendez votre cours,
Laissez-nous savourer les rapides délices
des plus beaux de vos jours...
Gérard Contremoulin
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