GODF, primaires et République...
Alain Juppé invité au GODF ne pose pas de problème en soit. Le fait qu'il le fasse dans le cadre de la "Primaire" d'une organisation politique et non de l'élection elle-même, me semble poser un problème de principe.
La Lumière s'est braquée sur cette session de travail maçonnique du GODF où un candidat à la "Primaire" d'une organisation politique, Alain Juppé, s'est exprimé dans le Temple Arthur Groussier, le grand Temple de la rue Cadet. Cette solennité, rehaussée par la présence du Grand-Maître n'est pas un fait banal...
Ne partageant pas l'idée que ce type de manifestation soit organisée au GODF, pour des raisons que j'expose dans cet article publié sur Facebook, et n'ayant aucun mandat pour m'exprimer en d'autre nom que le mien, je ne souhaite, ici, que donner les raisons de mon désaccord. Chacune et chacun, ensuite, sera libre de partager ou pas cette analyse.
Une primaire n'est pas une élection de la République.
Les Institutions de la République, et notamment celles de la Constitution de la V°, organisent le scrutin de l'élection présidentielle en deux tours, pas en 4 ! Le premier fait l'objet de dispositions particulières de parrainage pour s'y présenter, conditions qui ont évolué dans le temps et qui font toujours l'objet de remarques. Quant au second, il n'accepte que les deux candidats ayant obtenu le plus de suffrages au premier. Ces dispositions constitutionnelles sont celles qui sont applicables à tous les citoyens.
La Constitution prévoit également l'existence des partis politiques qui "concourent à l'expression du suffrage universel". De sorte que, parfaitement légitime quant à leur existence, on attend d'eux qu'ils proposent des candidats aux différentes élections. Structurés en organisation démocratique depuis la Libération, cette mission justifie leur existence et la pertinence de leurs choix leur assure la pérennité.
Une perte de crédibilité.
Or, nous sommes entrés depuis plusieurs décennies dans un dépérissement de l'activité politique, éducative, formatrice, élaboratrice et programmatique des "partis", les transformant au fil des renoncements, en "mouvement" à l'américaine, sorte de mouvance informelle sans autorité et dont les effectifs sont en chute libre.
Sans capacité de réflexion collective, sans capacité à générer des idées mobilisatrices des énergies, sans idéaux, où le capitalisme libéral est devenu un horizon indépassable, les organisations politiques ne sont plus aujourd'hui en situation de présenter des candidats représentatifs. L'une des raisons est probablement qu'ils n'ont plus rien à présenter !
L'originalité de la Franc-Maçonnerie.
La franc-maçonnerie, qui n'a absolument pas vocation à être "un corps intermédiaire de la République", n'est évidemment pas non plus un supplétif. Son rôle n'est pas de servir de béquille aux organisations politiques. Or, la venue rue Cadet de deux candidats à la Primaire de "Les Républicains et du Centre", Nathalie Kosciusko-Morizet et Alain Juppé, parce qu'ils ne sont pas et pour aucun des deux, des candidats aux élections de la République, n'ont aucune raison d'être accueillis au GODF. En effet, ces deux invitations placent notre obédience sur un champ politicien où il faudrait inviter TOUS les candidats à cette primaire comme aux autres !!! Si c'est le rôle de la presse, c'est me semble-t-il loin d'être le nôtre.
D'autant que, traditionnellement, et pour d'évidentes raisons de réserve, le GODF ne reçoit aucun candidat pendant les campagnes électorales, comme cela vient d'être rappelé aux loges de l'obédience.
Un laboratoire d'idées.
Je ne pense pas que le Grand Orient de France ait quoi que ce soit à gagner à descendre dans l'arène politique électorale. Son rôle comme celui de ses loges, de ses soeurs et de ses frères est davantage dans la prospective, dans l'élaboration de réflexions sur les grands problèmes de société. Etre un laboratoire d'idées. Cette belle idée lancée par Philippe Guglielmi lorsqu'il était Grand-Maître (1998-2000) et reprise depuis par Daniel Keller (2013-2016) et Christophe Habas (actuel Grand-Maître), est une ambition à laquelle nous devrions consacrer le plus fort de notre énergie collective.
Au cours des prochaines années, nous seront confrontés à l'intensification de la crise qui nous atteint déjà. Ses contours d'une grande complexité, politique, culturelle, sociale, civilisationnelle, annoncent la tâche à laquelle nous devrions plutôt nous atteler.
Crédulité.
Enfin, je doute fort que celles et ceux qui font actuellement le voyage de la rue Cadet se souviennent, une fois élus, en quoi que ce soit des propos qu'ils y auront tenus et que certains pourraient prendre pour des promesses. Comme disait Charles Pasqua, les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent !
Mes Soeurs et mes Frères, sachons garder notre réserve et notre temps pour l'essentiel de la tâche que nous avons à accomplir...
Gérard Contremoulin
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