Améliorer à la fois l'Homme ET la Société !
Non, les obédiences maçonniques n'ont pas vocation à devenir des partis politiques et le GODF en premier lieu !
Et si le GODF n'a pas vocation à devenir un parti politique à gauche, il n'a pas vocation à le devenir non plus à droite ! L'histoire de notre Ordre s'inscrit dans la tradition des sociétés de métiers et la volonté des Lumières de trouver les voies et les moyens de l'émancipation des hommes. Se réunissant dans les arrières salles des tavernes, il est peu vraisemblable que les premiers Frères passaient leur temps à faire assaut de disputes sur le fil à plomb ou sur la numérologie ou encore sur les "vérités d'ordre supérieur", seulement accessibles par le silence, l'obéïssance et l'introspection !
La Franc-Maçonnerie du Siècle des lumières avait un projet éminement politique : l'émancipation des hommes et le perfectionnement de l'Humanité contre l'Ancien Régime, l'absolutisme et la réligion d'Etat. Elle s'y employait par la promotion de l'usage de la Raison sur la vérité révélée ; par la promotion des sciences et de la pilosophie expérimentale face aux dogmes religieux ; enfin par la participation des femmes aux concours des académies et des sociétés littéraires. Les Francs-Maçons étaient préoccupés de l'action, de l'extériorisation ! Dans le contexte, c'était un défit aux pouvoirs établis, politique et religieux.
La fin du XIX° siècle, dont la décision-clé de 1877, a concrétisé le rôle des Francs-Maçons dans la contruction de la République jusqu'à cette décision majeure de 1901 où plus de 130 Loges participent, avec la Ligue des Droits de l'Homme et la Ligue de l'Enseignement à la fondation d'un parti politique : le "parti républicain, radical et radical socialiste".
De cette période, reste les principales lois qui régissent encore notre vie sociale, une histoire glorieuse, des noms prestigieux et le souvenir d'un engagement des francs-maçons dans la vie sociale et politique de la Nation. Ce n'est pas à tort que l'on évoque le fait que les textes de lois étaient largement nourris des réflexions des Loges, nombre de parlementaires et de ministres étant initiés.
Deux guerres mondiales ont décimés les effectifs des deux principales obédiences (le GODF et la GLDF). Le GODF comptait 30.000 membres en 1930 et 8.000 en 1946. La reconstruction des obédiences s'est accomplie lentement et sur la base de l'expérience humaine acquise dans la Résistance, hommes et femmes de gauche et de droite ! Si le GODF a conservé son orientation sociale, (sociétale dit-on aujourd'hui), son identité de 1901 s'est fondamentalement modifiée. D'une certaine manière, le profond engagement pour le progrès social du XIX° siècle s'est transformé en volonté d'affirmer que la Franc-Maçonnerie est d'abord un espace où l'on travaille "l'intelligence du contradictoire et l'harmonie des contraires" dans une perspective d'amélioration de l'Homme et de la Société...
Sur fond de culture intensive de la Tolérance, mot valise dont l'emploi est inversement proportionnel à la capacité de produire de la réflexion pour l'action, le risque est grand, aujourd'hui, de l'immobilisme. Car plutôt que l'exposition et l'examen des contradictions est venu le temps de l'apaisement. Non pas qu'il soit inutile d'être paisible, mais cela n'a rien à voir avec la culture du débat contradictoire, porteuse d'unité et de dynamique pour l'action.
Rien n'est plus prisé que le consensus... Soit, mais il y a deux acceptions.
On peut considérer que le consensus est une notion qui se constate "a priori". Puisque l'objectif à atteindre est d'être d'accord, alors admettons que, dès le début, les angles doivent être arrondis, les contradictions retenues et les oppositions tues : on est "d'accord" mais, faute d'approfondissement, sans savoir très exactement sur quoi... Ce qui prime alors est l'amélioration de soi en attendant qu'elle puisse, éventuellement, et comme par miracle, améliorer la société.
A contrario, on peut s'entendre sur la nécessité de trouver un accord sur la base d'un débat contradictoire. Alors, on identifiera les divergences (et elles peuvent être philosophiques), on creusera les contradictions (et elles peuvent être politiques) et on évaluera au fil du déroulement du débat les voies susceptibles de CONSTRUIRE un consensus.
Il s'agit là de deux conceptions du travail intellectuel finalement assez proche du travail maçonnique. Savoir privilégier, parmi les avis divergents, les éléments susceptibles de construire une parole commune. Cela ne se peut qu'en commençant par l'identification des désaccords. Et pour cela il ne faut pas se cacher l'importance du débat "sociétal", ne pas se dissimuler que Franc-Maçonnerie et vie de la Cité (Polis) sont les deux faces d'une même pièce : l'Humanité.
Cette Humanité que l'on souhaite "améliorer" !
Gérard Contremoulin
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