"Ni de politique ni de religion ne parleras !" ...
Peut-on (et pourquoi) refuser l'interdiction d'évoquer la politique ou la religion en Loge ?
Oui, on le peut. Et c'est même sur la base de ce désaccord-là que la franc-maçonnerie mondiale s'est divisée !
Tout d'abord, et c'est un objectif poursuivi par tous les francs-maçons au monde, il ou elle travaille à sa propre amélioration, aux conditions de son émancipation, à la maîtrise de ses passions, à l'édification de son "temple intérieur", c'est-à-dire de sa personnalité dans les différentes dimensions qui la compose.
Et la plupart, du moins en France, s'intéresse aussi à l'amélioration de la Société (le temple extérieur). C'est même pour la franc-maçonnerie libérale adogmatique un principe essentiel selon lequel on ne peut s'améliorer soi-même qu'en s'impliquant dans l'amélioration de la société. Si je ne craignais d'employer un "gros mot", je dirais que c'est une relation "dialectique"...
Comment fait-on ?
Dans le cas où l'on accepte d'évoquer ces sujets dans le cadre des travaux maçonniques, les francs-maçons, soeurs et frères, mêlent dans une réflexion commune leurs conceptions. Le fait d'oser l'altérité, d'accepter de frotter son point de vue à d'autres, pas nécessairement sur la même longueur d'onde, conduit à évoluer !
Et pourtant, en loge, on ne se fait pas face, on ne s'affronte pas, on ne dialogue pas ! La méthode utilisée ne le permet pas (litote !).
Bien au contraire, elle place chacune et chacun dans un face-à-face avec lui-même, une situation où les arguments ne sont pas des invectives, des polémiques, mais l'énoncé d'un point de vue tout autant estimable et justifié que le sien.
Cela conduit-il à faire "bouger les lignes" individuelles ? Je n'ai pas encore assez de 32 ans d'expérience (oui, 32 ans dimanche prochain !) pour l'affirmer. Néanmoins, cette méthode, typique de la franc-maçonnerie libérale adogmatique, et particulièrement du Rite Français, si elle appliquée dans toute sa dimension, permet de construire des consensus... Il faut comprendre que cette conception d'un consensus n'est pas une notion a priori qui aboutirait à nier tout échange, toute évolution mais bien au contraire cette exercice représente une construction humaine ! C'est également le cas au Rite Ecossais Ancien et Accepté, tel qu'il est pratiqué au Droit Humain.
Et lorsqu'ils estiment être parvenus à un résultat, ils organisent des réunions publiques, c'est souvent pour "extérioriser" les résultats de ces travaux ou les enrichir par l'intervention d'une personnalité profane connue pour ses travaux sur le sujet.
Dans le cas où l'on respecte l'interdiction d'évoquer ces sujets (pour faire court : nos frères "réguliers" et ceux qui aspirent à l'être), c'est néanmoins un tel tropisme qu'ils multiplient les occasions d'en traiter à l'extérieur des loges, mais entre francs maçons ! Néanmoins ces réunions se tenant en dehors de toute forme maçonniques, échappent à la rigueur de la méthode maçonnique. Dommage.
C'est ainsi que sont nées plusieurs initiatives.
Ainsi en est-il du Club "Dialogue et Démocratie Française", fondé en 2002 et présidé par Pierre Chastanier et depuis 2011 par Patrice Hernu. C'est un cercle qui se réunit sur une base inter-obédientielle où soeurs et frères de toutes obédiences, donc, participent à une réflexion prospective sur les grands sujets de société.
Ainsi en est-il du Cercle "Franc-Maçonnerie et Société", créé en 2013 et présidé par un ancien GMA de la GLDF, Jean-Michel Dardour. Et lorsque ce cercle se qualifie de "1° Think Tank" de la franc-maçonnerie, cela laisse "un peu" rêveur. Comme si le travail maçonnique sociétal commençait lorsque la GLDF découvre que l'on peut y réfléchir en maçons. Et qu'a fait en son temps Gustave Mesureur (1847-1925) ? Lui qui fut le 1° président(en 1901) du tout nouveau parti républicain, radical et radical socialiste (RRRS), créé avec l'appui de 130 loges du GODF, de la LDH et de la Ligue de l'enseignement... Certes, c'était au tout début de la GLDF, mais tout de même...
Ainsi en est-il des fraternelles, ces organisations para-maçonniques qui, dans le meilleur des cas, regroupent des frères et des soeurs qui partagent un thème d'études particulier (Educ 3000), une spécialité (la Fraternelle du Rail) ou une sensibilité (le Cercle Ramadier), ce qui est acceptable et au pire, ce qui est détestable, un métier ou une corporations et des préoccupations professionnelles qui peuvent conduire au business, ce qui est assez éloigné de la quête spirituelle !
En revanche, les obédiences qui ne se font aucune interdiction quant aux sujets à aborder, peuvent dans le cadre habituel de leurs travaux mener des réflexions et mettre en place des commissions internes qui produisent régulièrement des travaux régulièrement publiés.
Ainsi de la "Commission Nationale de Santé Publique et de Bioéthique" du GODF ou encore celle du DH ou la "Commission Laïcité" de la GLFF...
Que faire aujourd'hui ?
La résurgence de l'anti maçonnisme et d'une manière générale de la contestation des valeurs des Lumières posent aux francs-maçons de toutes obédiences, acceptant ou refusant d'èvoquer les sujets politiques et religieux, pose la question de leur riposte car les valeurs républicaine et les libertés fondamentales sont en cause.
Et j'attire l'attention de celles et ceux qui trouveraient ces propos exagérés, mélos, voire grandiloquents, que c'est précisément au moment où un tel mouvement est encore naissant qu'il faut en profiter pour engager la riposte. Après, il risque d'être tard !
Gérard Contremoulin
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