Le Concordat fragilisé par la laïcité ?

Un débat très suivi vendredi, dans la Maison de la Région. Photo Jean-Marc Loos
Dans le cadre des États généraux du christianisme, le Concordat a été mis sur la sellette. Un débat salutaire.
Selon le programme des états généraux, le philosophe, chantre de la laïcité, Henri Pena-Ruiz devait débattre, vendredi, du concordat avec le président du conseil régional, Philippe Richert, le président des Églises protestantes, Jean-François Collange, et le chercheur Francis Messner. Finalement le contradicteur n’est pas venu. « Atout ou problème pour la laïcité française ? », a interrogé la journaliste de La Vie, Olivia Elkaim, qui a mené la discussion, s’attachant à soulever les questions qui dérangent.
Tant il est vrai que sur le fond, et pour des raisons différentes, les trois personnalités défendent l’existence du régime local des cultes, qui englobe à la fois le concordat catholique et les lois organiques concernant luthériens, réformés et juifs. « C’est un héritage français », a rappelé Philippe Richert. « Toute situation est le fruit de l’Histoire », a renchéri Jean-François Collange, affirmant que les cultes n’ont pas à rougir de ce statut qui « permet de rémunérer curés, pasteurs et rabbins ».
« Le pluralisme religieux est institutionnalisé, ce qui permet de créer du lien social, dans le respect des droits fondamentaux », a précisé Francis Messner, en rappelant que les protestants, en Alsace et contrairement au reste de la France, y compris en Moselle, n’ont « jamais connu de persécutions ».
Si la question fait débat, c’est à cause de la proposition 46 du candidat-président Hollande, visant à inscrire la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution. Devant les appels de ses amis, il s’est engagé aussi à y inscrire l’exception alsacienne et mosellane. « Ce qui serait inconstitutionnel », préviennent Philippe Richert et Francis Messner. Le président du conseil régional « fait confiance à François Hollande »…
Mais, selon lui, « on a commencé à fragiliser le Concordat. Il va être continuellement mis sur la sellette. ». « Cela ne lui fait pas du bien », reconnaît le président Collange, pour qui « le Concordat est fragilisé depuis 1905 ».
De la salle est venue la question du coût. Faut-il que les contribuables français paient les salaires – pour 54 millions d’euros – des hommes d’église alsaciens ? « La France entière finance bien le métro parisien », a répliqué Philipe Richert. « Ne pourrait-on pas entretenir les grandes religions comme un service public ? », s’est interrogé le président de l’Uepal, en reconnaissant « être sur la défensive ».
« Même des protestants, outre-Vosges, s’interrogent sur le bien-fondé du financement par l’État ». « Nous pouvons vivre notre foi de manière plus apaisée, et les échanges interreligieux sont plus riches », a-t-il cependant témoigné. Mais la formule choc est venue du chercheur. « Abroger la loi créerait un traumatisme inutile, avec des blessures profondes. On a un système qui fonctionne bien, qui pourrait être élargi et rafraîchi », a soutenu Francis Messner.
Pourtant, le président du Conseil régional du culte musulman, Driss Ayachour, a bien répété que « l’objectif n’est pas le Concordat. Ce qui nous tient à cœur, ce sont les aumôniers dans les prisons et dans les hôpitaux, et l’enseignement religieux pour faire de nos jeunes des citoyens français de confession musulmane sans complexes. » Quant à la conseillère régionale Lilla Merabet, en charge de la jeunesse, elle a parlé d’identité, pour croyants et non croyants, et insisté sur « le vivre ensemble, qui constitue le socle de l’humanisme rhénan en Alsace ».
Le 14/10/2012 à 05:00 par Yolande Baldeweck
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