Le GODF et l'initiation des femmes.
Frédéric Desmons
C'est une vieille histoire ! Elle démarre en 1869 avec, déjà, Frédéric Desmons.
C'est effectivement en 1869 que le premier voeu visant à autoriser les loges qui le souhaitaient à initier des femmes a été déposé devant le Convent. Il fut rejeté. Cette question reviendra très régulièrement à l'ordre du jour. En 1901, le convent ne le rejettera que d'une voix. Puis la perspective s'éloignera pendant de longues années dont celles des deux guerres où la franc-maçonnerie fut mise à rude épreuve !
C'est à partir des années 2000, sous la grande-Maîtrise d'Alain Bauer, que l'on assistera à ue amplification du débat. A chaque convent depuis, un ou plusieurs voeux seront présentés. Les votes qu'ils obtiendront vont se rapprocher continuellement de la majorité.
Des stratégies plus ou moins hasardeuses verront le jour. Elles émaneront des "mixistes" comme de leurs opposants.
Des loges vont se créer avec le projet, plus ou moins exprimé, de devenir mixte. En septembre 2002, la Loge "Frédéric Desmons-Laïcité" allume ses feux et proclame dans sa Déclaration Solennelle :
"que le travail maçonnique ne peut s'effectuer à l'écart de la moitié de l'Humanité, ils (les frères fondateurs) ouvriront leurs travaux, quels qu'ils soient, aux Soeurs, préfigurant ainsi ce que pourra être une loge mixte du GODF".
Le projet est clair.
Jusque là, on s'applique à vouloir modifier les textes de bases (le Règlement Général) de l'obédience en proposant d'y ajouter d'une manière positive la notion d'initiation des femmes. Ce qui, dans le même temps génère de la part des opposants le dépôt de voeux souhaitant insérer la nature selon eux strictement "masculine" du GODF. Une coordination va même voir le jour : l'Union pour un GODF masculin (UGODFM). Les uns et les autres seront rejetés. Mais, comble de la confusion, l'UGODFM assignera devant les tribunaux de la République le Grand-Maître (Jean-Michel Quillardet) et plusieurs frères avec lui ! Elle sera heureusement débouté.
Car depuis 2008, une situation curieuse s'était installée au GODF. Cinq loges (dont la Loge "Combats"), en contradiction avec les décisions du convent, avaient initié 6 femmes. Quel statut pour elle ? Celui de membres irréguliers de l'obédience.
Cette situation va générer un état de crise interne qui va voir ces 5 loges être traduites devant la CSJM par le Conseil de l'ordre (dont j'étais membre à cette époque) pour non respect des décisions du Convent. Et dans le même temps, un protocole de gestion de la situation de crise va être négocié entre les protagonistes. En balance la situation de ces soeurs et le gel de la saisine dans l'attente d'une décision favorable du convent. L'aspect paradoxal de cette période est finalement que, tout en restant dans le rôle qui est le sien, chaque protagoniste anticipe en fait sur un "accord probable et proche" du convent sur l'initiation des femmes.
C'est aussi le moment où la reconnaissance du changement d'identité d'un frère devenu soeur va devoir s'effectuer. Olivia Chaumont devient très officiellement la première soeur du GODF. Cette situation n'est pas nouvelle mais elle est la première à être gérée à l'interne de l'obédience. Olivia donne sa part de vérité dans son livre. Peut-être faudra-t-il que nous donnions la nôtre...
Et puis, en 2010, la loge "Les Amis du Progrès" va avoir un éclair de génie. Plutôt que de modifier le Règlement Général, qui ne peut être obtenu que par un vote majoritaire calculé sur le nombre de loges inscrites (la totalité), pourquoi ne s'appuierait-on pas sur les jugements de la juridiction interne (la CSJM) qui, plusieurs fois depuis avril 2009, a indiqué qu'en son état actuel, le Règlement Général ne contenait aucune disposition qui s'oppose à l'initiation des femmes. Il n'en fallait pas plus pour que cette loge propose non pas une modification du Règlement Général mais une interprétation de l'article concernant le recrutement en précisant qu'il pouvait se réaliser "sans distinction de sexe" ! C'est ce voeu interprétatif qui fut adopté en septembre 2010. D'autant qu'un voeu interpretatif peut être adopté à la majorité des présents !
Autre caractéristique, un tel voeu est d'application immédiate. Et, dès octobre 2010, les loges qui restaient jusque là dans l'attente d'une décision favorable du Convent, ont commencé à initier des femmes.
Les opposants vont attaquer ce vote devant la juridiction interne et vont réussir, pour des raisons de forme, à le faire annuler. Mais dès le convent suivant (septembre 2011), un nouveau voeu (présenté par la Loge Frédéric Desmons-Laïcité) sera adopté. Entre temps on comptera l'arrivée de plus de 400 soeurs au GODF. Un dernier baroud d'honneur des opposants se produira...
Combat d'arrière garde désormais puisque le GODF compte, selon les chiffres publiés au convent (septembre 2013) et correspondant aux effectifs constatés au 31.12.2012, 1.403 soeurs.
Dernière précision, comme toute décision conventuelle ouvrant un droit dans l'obédience, cette décision offrent "aux loges qui le souhaitent" la possibilité d'initier des femmes et d'affilier des Soeurs. C'est l'application stricte du principe de souveraineté des Loges. Il en était de même en 1877 où fut décidé de ne plus rendre obligatoire l'obligation de croire en dieu et en l'immortalité de l'âme pour devenir membre du GODF, mais non de l'interdire ! On peut imaginer les états d'esprit à l'époque et les remous internes qu'une telle décision a pu produire. On connaît les remous externes (notamment la coupure définitive avec les anglo-saxons) !
Alors pour que cette décision de 2010 et 2011 prenne toute son ampleur, il faudra du temps et de la réflexion... mais comme l'on dit : "nous n'aspirons pas au repos."
Gérard Contremoulin
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