Pour la mixité au Grand Orient de France
Je suis membre d'une Loge qui a été créée en 2002 sur le projet d'être "une Loge mixte du GODF". En réfléchissant à sa création, nous avons choisi comme patronyme, le nom du Frère qui a déposé le 1° voeu visant à initier des femmes au GODF. C'était en 1869 et il s'appelait Frédéric DESMONS.
La tradition du GODF n'est pas, lorsqu'une une nouvelle règle "d'ouverture" est démocratiquement adoptée, de l'imposer à toutes ses Loges mais de permettre à celles qui le souhaitent de l'appliquer.
Ainsi en 1877, lorsque le même Frédéric DESMONS fit accepter par le Convent (assemblée générale annuelle) le "voeu n° 9", qui supprimait l'obligation de croire en dieu et en l'immortalité de l'âme pour devenir membre de l'obédience, cette décision n'obligeait en rien à ne pas croire. Chacun pouvait croire ou ne pas croire : c'était la mise en place du principe de la Liberté Absolue de Conscience.
En relayant cet article de Elie Arié, paru dans Marianne 2, j'ai certes voulu souligner la relance de ce débat, mais aussi, manifester mon désaccord sur le titre. Je suis favorable à la Mixité AU GODF et non DU GODF...
Gérard Contremoulin
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Elie Arié : Après avoir exercé la cardiologie pendant plus de 30 ans, Elie Arié est aujourd'hui chargé de cours d'Economie et gestion des services de santé au Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam) . Il enseigne également à 'Ecole Centrale. Il a été Secrétaire National à la Santé du Mouvement Républicain et Citoyen.
Pour la mixité du Grand Orient.
Et c’est au même titre que la Franc-Maçonnerie se doit, dans la société actuelle, d’être tout aussi naturellement mixte, sans avoir à le préciser ; une Loge appartenant à un mouvement qui se veut universaliste et qui déciderait, au XXIe siècle, d’en exclure la moitié de l’humanité aurait un sérieux problème de crédibilité (le même que celui du suffrage qui se disait « universel ») et contribuerait, par cette démarche, à accentuer l’image de ringardise que donne trop souvent d’elle-même la Maçonnerie.
Mais, curieusement, après avoir levé ce tabou de la mixité qui n’a jamais figuré dans ses textes, le Grand Orient a choisi, aujourd’hui, de laisser chaque Loge libre de décider si elle y acceptait des femmes ou pas – j’y reviendrai.
Il est possible que l’arrivée de femmes dans une Loge Maçonnique puisse y amener des «changements » ; encore faut-il, si elle souhaite rester exclusivement masculine, qu’elle analyse ces changements et qu’elle démontre en quoi ils lui seraient si néfastes - ce qui serait facile à faire par l’observation de ce qui se passe dans les obédiences depuis longtemps mixtes (Droit Humain, Grande Loge Mixte de France) : nous ne sommes pas ici face à l’inconnu.
Il est tout aussi possible que la décision assez tardive d’admettre au Grand Orient des Juifs (ce qu’aucun règlement n’interdisait explicitement) , ait pu y entraîner des changements, bien que ceux-ci n’aient jamais été analysés ; heureusement pour la Maçonnerie, les Frères qui, à l’époque (il y en eut beaucoup) ont défendu l’idée qu’il fallait que « tout reste toujours comme avant » ont fini, après des débats souvent houleux, par se retrouver minoritaires.
Car il reste à se demander si la perturbation induite par tout changement doit être le critère déterminant de toute décision, en Maçonnerie ; si le confort personnel doit être prioritairement préservé, ou s’il faut accepter de le remettre en cause le temps qu’il s’adapte à des progrès sociaux et philosophiques ; si la Maçonnerie est avant tout un club britannique de gentlemen qui aiment à se retrouver pour somnoler entre eux, ou si elle a des ambitions plus élevées pour lesquelles il faut consentir à des perturbations personnelles temporaires (il y eut des époques où on risquait sa vie et sa liberté en étant Franc-Maçon, et des pays où c’est encore le cas).
La Franc-Maçonnerie aspire à améliorer et à changer la société, c’est sa raison d’être ; mais, contrairement aux partis politiques, aux religions, ou aux diverses associations dont c’est également le but (syndicats, etc.), elle estime qu’on ne peut améliorer (= changer) la société sans s’améliorer (= se changer) soi-même, c’est en cela que réside sa spécificité et son originalité. C’est pourquoi elle accepte des gens de toutes origines, appartenant à tout parti politique démocratique, à toute religion, à tout syndicat, ou n’appartenant au contraire à aucun d’entre eux, à condition qu’ils soient partants pour ce travail personnel sur soi-même.
Ce travail de remise en cause perpétuelle n’a rien d’évident ni de naturel, et devient de plus en plus difficile à mesure qu’on vieillit, qu’on se rigidifie, qu’on se sclérose, et qu’on trouve dans la permanence de ses habitudes une défense contre l’angoisse de la mort – alors que c’est justement cette permanence des habitudes, lorsqu’elle devient une fin en soi, qui est déjà une première étape vers la mort.
Rien n’est plus fondamentalement opposé à la démarche Maçonnique que le : « il faut que tout reste comme il l’a toujours été, c’est une raison nécessaire et suffisante pour n’y rien changer». Car que dirait-on si le Grand Orient laissait, aujourd’hui encore, chaque Loge libre d’admettre, ou pas, des Juifs, des Noirs, etc., au pauvre prétexte selon lequel « il y en a d’autres qui les acceptent, pourquoi donc venir chez nous ? »