Coup
de pied dans la fourmillère.
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Selon le pré-rapport de la Cour des comptes, la caisse des congés
spectacles ne verse pas tout ce qu’elle devrait verser aux intermittents. De 2006 à 2012, les intermittents se sont ainsi vus privés de 102 millions
d’euros d’indemnités.
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Publié le 12 décembre
2012
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Façade de la Cour des Comptes, rue Cambon
Au moment où la chronique est défrayée par la situation sociale et fiscale de certaines personnalités du show-bizz, des affaires ou du
7° Art, le pré-rapport de la Cour des Comptes "fuite"...
Et la Cour des Comptes
aurait-elle vu juste ?
Le fonctionnement de ce qui aurait du rester une caisse nationale de solidarité, mise en
place pour les métiers du spectacles, très différents dans leur fonctionnement des métiers de l'industrie (pour reprendre la terminologie de l'époque), serait-il devenu une
"gabegie"...
De quoi s'agit-il exactement ?
"Sous la Voûte étoilée" a demandé l'éclairage d'un professionnel, Sylvain SOLUSTRI, magicien qui
nous livre le texte suivant :
LES CONGES –SPECTACLES
Ou : Narration d’une “escroquerie légale”
La législation du spectacle est calquée sur celle du commun des
actifs salariés. En pratique, environ 10% du montant brut de chaque cachet est versé par l’employeur à une association loi 1901 : “Les Congés Spectacles”. Cette caisse est un moyen original et pratique de recouvrer les congés payés des artistes qui travaillent pour des employeurs multiples. Mais contrairement
aux autres salariés, à qui cet argent est versé automatiquement fin août par l’employeur, les choses se corsent pour nous artistes. Une cascade ingénieuse de chausse-trapes permet aux Congés
Spectacles de ne pas nous reverser notre dû :
1) Tout d’abord, un grand nombre d’artistes ne font que quelques cachets dans
l’année ne pensent pas à réclamer leur immatriculation à cette caisse. C’est déjà cela de gagné.
2) Ensuite, si on ne réclame rien, on ne reçoit rien. Sachant que le formulaire
à retourner est adressé uniquement à ceux ayant reçu leur dû l’année précédente, il n’est pas aisé de rentrer dans le système. Pourtant, les congés spectacles connaissent parfaitement l’adresse
et le numéro de sécu de tous les bénéficiaires. Le minimum serait d’adresser à tous ce formulaire automatiquement.
3) Si l’artiste fait peu de spectacles : encore récemment, il devait avoir
totalisé au minimum 25 cachets avant de prétendre toucher ses congés. C’est comme si tous les travailleurs intérimaires ayant travaillé moins d’un an se voyaient privés de leurs congés payés !
Remarquez que tout le monde est pénalisé : tout artiste cessant de travailler pour une cause quelconque, ne peut toucher les congés de sa dernière année de travail, soit statistiquement 5% de ses
gains annuels bruts.
Les bénéfices réalisés par les Congés Spectacles sont-ils
importants ? Les sommes en jeu sont énormes. A titre de comparaison, sachez que des grands groupes comme Accor tirent leur bénéfice des tickets restaurants du simple décalage entre
le moment où l’entreprise achète ces titres de restauration et celui où le restaurateur les remet à sa banque, soit deux mois en moyenne. Que dire des congés spectacles qui s’étalent sur un an ou
plus ! En moyenne, c’est 10% de nos revenus annuels bruts qui rapportent des intérêts pendant six mois en moyenne. Et on a vu que nombreux sont ceux qui ne récupèrent pas leurs billes. On
comprend qu’il s’agit là d’un véritable fromage mais avec un détail scandaleux : ce sont les plus pauvres qui sont les plus spoliés.
Je m’explique : qu’un Edouard Balladur ait été directeur d’un centre de péage d’un tunnel dans
les Alpes amorti depuis de nombreuses années était un exemple de fromage sans grande conséquence sur des milliers d’automobilistes (jusqu’à ce qu’un terrible incendie ravage ce tunnel en faisant des dizaines de victimes. Pendant des années, aucun
investissement n’a été fait pour la sécurité. Les recettes allaient dans la poche de dirigeants inconscients car incompétents. Aujourd’hui, je pense que des gens comme Edouard Balladur sont
directement responsables même s’il n’était plus en poste depuis longtemps au moment de la tragédie.) Comme quoi, on a toujours raison de se révolter contre les injustices et les rentes de
situations…
Mais que les Congés Spectacles vivent aux dépens d’artistes qui n’ont pas assez
de cachets dans l’année, de ceux qui n’ont pas la capacité de gérer toute cette paperasse, bref des plus pauvres d’entre nous, est tout simplement écœurant. Les artistes les plus spoliés sont
bien sûr aussi les moins armés pour se défendre.
Voilà, il était intéressant de voir comment la cupidité de
quelques-uns pouvait dénaturer une idée généreuse comme les congés payés qui fêtaient en 2011 leurs 75 ans d’existence. Sinon, vous êtes sûrement
ravis de d’apprendre comment on finance les prêts à taux réduits et les colonies de vacances des enfants du personnel… Vous ne pourrez plus dire : “je ne savais pas ! ”.
Que pouvons-nous faire ? Demander à intégrer nos congés directement dans notre
fiche de paye comme le font tous les intérimaires ? Mais il y a un « hic » de taille : il est quand-même beaucoup plus intéressant de toucher 1000 ou 2000 euros en une seule
fois, qu’en toucher 100 ou 200 chaque mois.
Le débat reste ouvert…
GC
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