Rite Français, rite d'émancipation.
On a raison de parler du rite français, on a raison de s'interroger sur lui, on a raison de signaler ses multiples versions. Oui on a raison car le rite français, c'est d'abord une grammaire de l'initiation à la liberté, une méthode pour l'émancipation.
Le rite français est une proposition pour le travail aussi bien initiatique que sociétal, aussi bien moral que politique. De quoi susciter l'intérêt ... ou le rejet.
Tour à tour on entend dire de lui qu'il n'aurait pas de (réel) contenu, qu'il serait vide de tout symbole, qu'il serait une "auberge espagnole", bref qu'il n'aurait rien d'initiatique. Sous entendu, l'autre ou les autres seraient bien entendu, eux, parfaitement équipés pour "révéler" les seuls vrais initiés, pour "former" les seuls vrais maçons ! De sorte qu'effectivement si l'on dit que la franc-maçonnerie est "universelle", on ne peut que constater qu'elle n'est pas universellement adogmatique !
C'est aussi une manière de parler du rejet dont il fait l'objet de la part des "réguliers" ou de ceux qui veulent être reconnus comme tels...
Alors, le rite français, qu'est-ce que c'est ?
C'est à l'origine la manière selon laquelle la franc-maçonnerie, lorsqu'elle s'est implantée sur le continent et notamment en France, a travaillé. C'est la manière française de travailler selon le rituel anglais dit des "modernes", ceux qui ont créé la première obédience (1717), et qui s'est pratiquée en France dès 1728 dans les loges de la première "Grande Loge de France". On lira avec grand intérêt cet article de Roger Dachez.
Et il est toujours plaisant de lire que la Grande Loge de France (la seconde), celle qui naïtra en 1894 un an après le Droit Humain et qui a toujours pratiqué un REAA (Rite Ecossais Ancien et Accepté) d'un haut degré de pureté, se revendique d'être cette première Grande Loge de France ! Le REAA est arrivé en France en 1804, importé de Caroline du Sud par le Marquis De Grasse-Tilly.
Le Rite Français est aussi l'héritier de la maçonnerie opérative, par exemple dans le pas de l'apprenti, dans la "chambre du trait" du Compagnon ; c'est encore un "conservatoire" certes mais aussi un pont vers la modernité, tel que l'évoque Ludovic Marcos dans le petit film ci-dessous...
Au Rite Français, "l'Initiation" n'est pas un moment, une cérémonie. C'est un chemin, une démarche qui commence le jour de la "Réception" au 1° grade d'un profane, homme ou femme. Ne dit-on pas qu'on "s'initie soi-même", loin des vérités révélées, des transcendances, des maîtres à penser...
Le rite français, au delà de ses variantes : un lien entre le passé et l'avenir.
D'abord faudrait-il parler des différentes variantes du rite français, avec le rite français codifié par Roettiers de Montaleau (années 1780) publié en 1801 (le Régulateur), le Rite français Murat (avec notamment l'obligation d'invoquer le Grand Architecte de l'Univers), la grande césure de 1877 autour de l'abandon de l'obligation de croire en dieu et en l'immortalité de l'âme, le rite français Amiable (1886, très positiviste dont on retiendra par exemple les apports dans la version actuelle de clôture des travaux), le rite français Groussier (1938-1955, revenant au Régulateur avec notamment le texte actuel de la Chaîne d'Union, la lecture obligatoire de l'article 1° de la Constitution), le rite français moderne rétabli (René Guilly - 1955) ou le Rite français traditionnel (1968 à la LNF).
Les différences sont importantes et c'est probablement en elles plus que dans leurs points communs que réside paradoxalement la philosophie du rite. Un rite à fort potentiel qui a pu faire son chemin des origines à nos jours, au milieu des mouvements d'idées, de l'opposition frontale de l'église catholique dès 1738, des évolutions de la société.
Libres, libres de choisir la forme, libres de lui apporter des modifications, libres de l'adapter aux circonstances, libres de lui donner des contenus et liberté de traiter de tous les sujets qui paraissent aux uns nécessaire pour la réflexion commune alors que d'autres préfèrent se centrer sur une réflexion davantage symbolique.
Bref, ce rite est le contraire d'un cathéchisme. Car au delà de quelques archétypes et de quelques conventions destinées à définir des symboles majeurs, la règle est de s'approprier les outils symboliques mis à la disposition des apprentis puis des compagnons maçons pour en faire des maîtres capables de "transmettre".
Ensuite faut-il parler de sa parfaite adaptabilité.
Ses variantes correspondent à des moments importants de l'histoire des idées et des évolutions majeures de la franc-maçonnerie, celle qui s'inscrit dans le siècle. La franc-maçonnerie libérale travaille à la fois à l'amélioration personnelle de ses membres ET à l'amélioration de la société.
C'est ainsi que lors de la création d'une nouvelle loge, les fondateurs commencent-ils par réfléchir aux adaptations utiles pour mieux souligner tel ou tel point fort du projet, tel ou tel accent à mettre sur le contenu symbolique du texte.
On peut concevoir que la lecture de ces lignes fera dresser les cheveux sur les têtes de nos frères "réguliers" et de certaines de nos soeurs aussi...
Le rite français, un rite d'émancipation.
Il faut comprendre que le Rite Français, par delà ses évolutions, du théisme à la liberté absolue de conscience, montre dans l'histoire une grande cohérence sur sa philosophie humaniste où" l'homme reste la mesure de toute chose" et se préoccupe de "l'amélioration materielle et morale, du perfectionement intellectuel et social de l'Humanité" (extrait de l'article 1° de la Constitution du GODF).
Ludovic Marcos.
On réécoutera avec beaucoup d'intérêt les présentations que Ludovic Marcos fait du Rite Français, d'abord dans son "beau livre" Histoire illustrée du Rite Français...
puis dans ses différents interviews que l'on retrouvera ci dessous :
ou encore dans celui-ci, plus général puisqu'il fait une présentation de la Franc-Maçonnerie, où l'on retrouve Roger Dachez, Ludovic Marcos, André Combes, Philippe Solers, Michel Chomarat et Maurice Harel, principalement dans le temple 4 (Corneloup) du Grand Orient de France
Bonnes réflexions...
Gérard Contremoulin
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