RPMF : le GADLU, l'athéisme et les femmes
Michel SINGER a bien voulu accorder à mon dernier article l'intérêt de lui faire réponse, je l'en remercie.
Je crois qu'il a raison, nous ne sommes évidemment pas dans un contexte de "Controverse de Valladolid" et notamment pas de l'une de ses questions, malheureusement trop imprécise : "les indiens ont-ils une âme ?". Mais j'avoue ma perplexité à l'évocation de cette célèbre joute théologique lorsque nous traitons, notamment, de l'initiation des femmes... Et puis, quels rôles tiendrions-nous, de Sepulveda ou de Las Casas ?... Non, restons nous-mêmes.
Cette question de la régularité prend une importance croissante au fil des évènements qui touchent la GLNF, d'abord en son sein (évènements pour lesquels j'ai regretté que la "Franc-Maçonnerie Française" ne se réveille récemment que pour "en rajouter"), puis au fil des conséquences internationales qu'ils produisent. Et là les obédiences de la Maçonnerie françaises sont concernées.
Mais pas au point d'y "voir un danger pour sa prétendue position dominante" ! Il n'y a de "position dominante" que celle que l'on veut bien nous accorder (y compris dans les mots...) mais surtout pour une raison assez simple, c'est qu'il n'y a que deux choix possibles en Maçonnerie : celui d'une maçonnerie qui se dit régulière et c'est le système préconisé par la règle en douze points de la GLNF et celui, libéral et a-dogmatique issu du convent de 1877 du GODF. Et l'ouverture du GODF à l'initiation des femmes vient compléter le champ de ce choix. De sorte que si recomposition il doit y avoir, elle n'échappera pas aux deux questions que j'avançais : celle du besoin de Transcendance comme référence "Absolue" et celle de l'initiation des femmes.
De même, parlant du convent de Lausanne, Michel Singer semble me faire dire que le GODF y aurait participé ! Où lit-il cela ? Notre histoire nous suffit et je n'ai pas l'habitude d'y voir la source des réflexions qui a conduit le GODF à son convent de 1877. J'observe plus simplement que c'est au moment où la maçonnerie écossaise (que je ne confond pas avec l'écossisme), fixe son interprétation du GADLU que les Loges du GODF conduisent une réflexion qui conduira le convent de 1877 à adopter une conclusion sensiblement différente et laissera la liberté aux membres des Loges de croire ou de ne pas croire, de faire ou de ne pas faire référence au GADLU ! Ce qui est encore aujourd'hui la règle.
Ma première question traite de la nécessité (ou pas) de se référer à une Transcendance. La Maçonnerie dite "régulière" l'appelle le GADLU (le Grand Architecte de l'Univers).
Le grand débat concernant l’adogmatisme est symptomatique et spécifique à la maçonnerie française. Ce débat correspond au fait que la France a pratiqué la séparation de l’Eglise et de l’Etat au même titre que la Turquie et plus tard l’Uruguay. Sur les environ 3 millions de maçons à travers le monde, seuls les environ cent mille maçons français sont concernés par une approche adgmatique de la pratique maçonnique. Tous les autres pays du monde ont des obédiences ou sans équivoque, le symbole du Grand Architecte de l’Univers représente Dieu, tout simplement. Dans notre pays, les trois tendances maçonniques sont présentes, particulièrement au Grand orient de France qui représente l’adogmatisme et l’athéisme au sens français du terme, alors que la Grande Loge Nationale Française représente le courant théiste de la maçonnerie.
Ceci a le mérite de la clarté !
Se pose tout de même la question de vérifier cette affirmation. La Franc-Maçonnerie dans le monde reconnaît-elle "Dieu" dans le GADLU et n'y-aurait-il qu'en France que s'affirmerait une maçonnerie "athée" ?
C'est tout l'objet du développement d'une "action extérieure", celle du GSAE (Grand Secrétaire aux Affaires Extérieures) au GODF. Et l'action conduite jusqu'en 2010, notamment par Jean-Michel Quillardet puis par Pierre Lambicchi, poursuivait cet objectif consistant à présenter une alternative à la Maçonnerie anglo-saxonne. Il n'y a peut-être que dans l'hexagone que l'on paraît ne pas vouloir prendre en considération, du moins officiellement, la portée de l'enjeu que représente le développement de la Maçonnerie adogmatique et libérale dans le monde. Car la réaction des anglosaxons à l'implantation d'une Maçonnerie qui leur serait "extérieure" ailleurs qu'en France, elle, ne se fait jamais beaucoup attendre !
Pourtant, tant en Amérique latine que dans l'ancienne Europe de l'Est, ou encore en Afrique, les progrès de notre implantation sont à la mesure des attentes et des espoirs... pas forcément satisfait par une pratique maçonnique pourtant largement issue du modèle anglosaxon. Et on pourrait aussi évoquer, notamment en Afrique le fort développement des organismes à caractère sectaire, principalement évangéliques, que cette maçonnerie n'a pas su ou pu endiguer !
Ma deuxième question traite de l'initiation des femmes et de l'acceptation de leur régularité. Michel Singer donne sa vision de la pratique écossaise :
Quand aux femmes en maçonnerie, toutes les grandes loges dans le monde reconnaissent la validité de l’initiation féminine. Prenons Londres comme exemple ou la Grande Loge Unie d’Angleterre reconnaît parfaitement les deux obédiences féminines existantes dans ce pays. Cela ne se traduit pas par l’inter-visite puisque les grandes loges traditionnelles dans le monde restent exclusivement masculines. Mais personne n’a jamais mis en doute le fait que les grandes loges féminines existantes sont parfaitement « régulières » et personne ne leurs conteste le droit et la légitimité de pratiquer une maçonnerie avec les rites qu’elle souhaite
Il est singulier de dire que " toutes les grandes loges dans le monde reconnaissent la validité de l’initiation féminine" et de ne pas accepter qu'elles partagent les mêmes travaux maçonniques. Elles sont régulières mais on refuse de les recevoir rituellement ! En qelque sorte, "chacun chez soi".
Je ne conteste pas que l'on fasse ce choix, je peux même en comprendre les raisons. Je dis simplement que ce n'est pas celui que font de nombreux Frères, et pas seulement au GODF, et que cette question sera au coeur de toute recomposition parce qu'elle est au coeur de l'évolution de la société... Et je prends acte que le Frère Singer partage mon sentiment sur le caractère, qu'il qualifie lui même de "batard", des solutions adoptées pour la réception des Soeurs à la GLDF.
N'y aurait-il "aucun doute" à ce que le REAA soit le rite fondateur de la Maçonnerie en France ? Rien n'est moins sur, contrairement à ce qu'il indique. Mais ceci est un "contentieux" entre nos deux obédiences depuis de loooongues années ! Nous n'en viendrons pas au bout en quelques lignes. D'ailleurs, le faut-il ? C'est un domaine où le doute, précisément, pourrait être un outil précieux.
Enfin, je partage le devoir de respect dù à la souveraineté des obédiences et particulièrement aux Soeurs et aux Frères qui les composent : ce sont mes Soeurs et mes Frères et je les reconnais comme tels ! S'il y a de justes "querelles", ils n'en sont pas les cibles. C'est pourquoi je parle de "RPMF" parce que je crois que c'est un processus qui se met en marche ; que les Frères de la GLDF ont, tres majoritairement, décidés d'y entrer ; et qu'à ce titre nous aurons à en reparler.
Pour ce qui me concerne -et tout comme Michel, je m'exprime à titre personnel- ce sera sans esprit d'ingérence. Ce principe est, évidemment, réversible. Correspond-il à l'interdiction mutuelle de tenir quelque propos que ce soit ? Je ne le crois pourtant pas. Disons que le tact et la mesure en seront les juges de paix...
Gérard Contremoulin
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