Vous avez dit secret ?
Société
"secrète" ou société "discrète", la Franc-Maçonnerie nourrit et nourrira très probablement encore longtemps nombre de fantasmes. Et pourtant, de quoi s'agit-il aujourd'hui ? De quel paravent les Francs Maçons, hommes et femmes, auraient-ils l'impérieux besoin
?
Plusieurs sources.
D'abord, cette question du Secret en Franc-Maçonnerie se rencontre le plus souvent, comme l'indiquent Roger Dachez ou Alain Bauer, dans les pays qui ont subi dans leur histoire une invasion ou une occupation ennemie.
Le sort de la France est particulier puisque c'est un régime français, certes fortement influencé par l'occupant nazi, "l'Etat français" de Philippe Pétain qui, dès ses premières heures, le 19 Aout 1940, prononcera la dissolution du GODF et de la GLDF. Le développement de cette politique haineuse dirigée contre les Francs-maçons, voir l'article d'Eloise, sur la base du concept très porteur du "complot judéo-maçonnique" conduira à l'établissement de listes, de prononciation d'interdits professionnels et de déportations. Cette traque, on ne dénombrera plus qu'environ 6.000 membres au GODF et 3.000 à la GLDF au lendemain de la guerre, laissera beaucoup de traces, aujourd'hui encore...
Autre source, le poids, dans un pays longtemps marqué par l'hégémonie vaticane, de ce que Rome nommait "le complot maçonnique" et nomme encore, et particulièrement avec ce pape, "le péché grave". L'excommunication qui "frappe" les Francs-Maçons n'est toujours pas levée. Je n'en éprouve aucune douleur particulière à titre personnel, mais l'opinion en conserve la flétrissure.
Le secret est aussi une bonne affaire pour les médias, comme l'indique Marcel-Bolle de Bal, sociologue à l'Université Libre de Bruxelles. On constate, avec une régularité qui tend à s'accroître, que la Franc-Maçonnerie est l'un des marroniers qui relance les ventes.
Paru dans Libération du 28 février 2012
Qu'il y ait à la Une Equerre, Compas, du bleu, du jaune, des gants blancs, des sautoirs ou des tabliers et les mots "FRANCS-MACONS", et les ventes enregistrent le rebond espéré, même si les contenus en pages intérieures ont une fâcheuse tendance à répéter toujours les mêmes arguments, les mêmes approximations, les mêmes erreurs. On est loin du journalisme d'investigation.
Le secret nourrit encore quelques carrières journalistiques, plus ou moins bien intentionnées. Reprenant à sa manière la thèse du complot débouchant sur l'établissement de listes dans certaines professions, Sophie Coignard publiera quelques belles feuilles d'anti-maçonnisme ("Un état dans l'Etat", Albin-michel, 2009). Avant elle, Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre nous avaient gratifiés d'une enquête réalisée dans ds conditions telles "qu'il est impossible de vérifier les sources", intitulée "Frères invisibles" (Albin-Michel, 2001) et pour laquelle je reprends la critique de Thierry Rouault.
Dans un tout autre registre, beaucoup plus sérieux et documenté, notamment par sa pratique du contradictoire dans son travail d'enquête (mais tout autant controversé) François Koch publie un blog "La Lumière" qui s'intéresse au quotidien de la vie des obédiences maçonniques.
Des cinéastes se sont sincèrement préoccupés de donner leurs visions de cette question qui fait tant courrir les plumes et verser de salive. Alain Moreau et Patrick Cabouat ont écrits et réalisés " Les Frères invisibles de la République", film dans lequel ils abordent la question des relations entre franc-maçonnerie et pouvoir politique, ou encore Gabriel Le Bomin et Stéphane Khémis avec " Les Francs-Maçons et le Pouvoir".
Et puis les nouvelles techniques de l'information et de la communication ont vu naître depuis une dizaines d'années une "blogosphère maçonnique". Des sites de Loges ont été créés, des Blogs sont apparus, des groupes Facebook se sont constitués pour parler de la maçonnerie soit entre maçons (groupes fermés) soit avec des non maçons (groupes ouverts). Et comment ne pas rendre hommage à celui qui a ouvert la voie "le Blog Maçonnique" de Jiri Pragmann, également blogger. Et puis, par son travail sur l'histoire, même si je me surprends à lui en contester pafois certains aspects, le Blocnote de Jean-Laurent.
Et pourtant : comment dévoiler ce qui n'est pas voilé ?
Car le secret maçonnique, qui existe bel et bien, se réduit à 3 domaines :
1/ d'abord concernant l'appartenance : le choix d'appartenir à la Franc-Maçonnerie est personnel, intime. Il n'appartient qu'à celle ou celui qui le fait. Il est donc légitime de lui laisser la faculté de le révéler ou de le taire.
2/ ensuite concernant les travaux eux-mêmes. Avoir la possibilité de tout pouvoir aborder et de se dire va de pair avec la certitude que rien ne sera divulguer des propos personnels tenus. Par contre, le résultat des travaux pourra être communiqué, par exemple lors de réunions ou conférences publiques ou de Tenues Blanches Ouvertes.
3/ mais enfin et peut-être même surtout, il a ce que chaque membre vit en loge, sa perception du travail maçonnique, les impressions qu'il ressent. C'est du domaine de l'intime et par conséquent, comme toutes ces choses qui ne s'apprennent que par la pratique, il y a la plus grande difficulté à la relater.
Pour le reste, chacun le trouvera en librairie, à la télévision ou sur la "blogosphère" : les mythes, les mots, les symboles, les lieux, les grades, les noms des dirigeants, les thèmes de nos travaux, etc.
Voilà pourquoi je considère que, Franc-Maçon, je n'ai RIEN à cacher.
Ce blog, créé le 9 septembre 2010, avoue clairement ses objectifs.
Et voilà pourquoi j'enjoins mes Soeurs et mes Frères à réfléchir et éventuellement à reconsidérer leurs choix à ce sujet. Plus les Francs Maçons se tairont, plus le fantasme se nourrira. Sachant un bonne fois pour toute que, même tout étant transparent, tout étant connu, su, montré, il y aura toujours un ou une candidate pour y voir de l'opacité et de la dissimulation...
Gérard Contremoulin
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